Peut-être as-tu lu, lecteur(trice), le recueil de nouvelles
qui fit connaître Philippe Delerm
voici 15 ans (déjà), en 1997 ?
La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules
je t'en livre un extrait toujours d'actualité :
"C’est la seule qui compte.....
Les autres, de plus en plus longues,
de plus en plus anodines,
ne donnent qu’un empatement tiédasse,
une abondance gâcheuse.
La dernière, peut-être, retrouve avec la désillusion de finir un semblant de pouvoir...
Mais la première gorgée !
Gorgée ? Ça commence bien avant la gorge.
Sur les lèvres déjà cet or mousseux, fraîcheur amplifiée par l’écume,
puis lentement sur le palais bonheur tamisé d’amertume.
Comme elle semble longue, la première gorgée !
On la boit tout de suite, avec une avidité faussement instinctive.
En fait, tout est écrit : la quantité, ce ni trop ni trop peu...
le bien être immédiat ponctué par un soupir, un claquement de langue,
ou un silence qui les vaut ;
la sensation trompeuse d’un plaisir qui s’ouvre à l’infini.....
En même temps, on sait déjà.
Tout le meilleur est pris.
...
On repose son verre, et on l’éloigne même un peu sur le petit carré buvardeux.
On savoure la couleur, faux miel, soleil froid.
Par tout un rituel de sagesse et d’attente,
on voudrait maitriser le miracle qui vient à la fois de se produire et de s’échapper.
...
Mais devant sa petite table blanche éclaboussée de soleil, l’alchimiste déçu ne sauve que les apparences, et boit de plus en plus de bière avec de moins en moins de joie.
C’est un bonheur amer : on boit pour oublier la première gorgée."
Bien vu, bien ressenti, bien analysé !
Alors, si tu adhères au propos, lecteur(trice) épicurien(ne),
si toi aussi tu estimes que le plus important
est l'attente de la première gorgée
et la première elle-même,
tu ne seras pas ruiné par la nouvelle taxe,
qui a fait tant de mousse.
On en a beaucoup parlé
dans la chaleur de l' été...
Normal !
Les brasseurs se sont inquiétés
Normal !
Depuis hier elle est votée...
La hausse frappera
les bières de plus de 2,8 degrés,
+ 1 centime par "demi"
pour les bières produites par les petites brasseries
+ 5 pour les autres.
Recette attendue :
quelque 480 millions d'euros
qui seront affectés à la branche maladie de la Sécurité sociale
et au régime des exploitants agricoles.
Merci aux généreux donateur(trice)s !
Quant à toi, vas-tu trenoncer, lecteur(trice),
à ce demi qui désaltère en été
et qui accompagne la choucroute hivernale ?
Ou préfèreras-tu venir à la rescousse de la Sécu ?
Et si les Gueuse et autre Mort Subite deviennent produits de luxe,
tu crois que les Emirs vont s'en emparer ?
A bientôt lecteur(trice)...